C'est une affection très
sérieuse que le fétichisme culinaire...
En regardant
attentivement, on peut parfois apercevoir une de ses victimes errant
sans fin dans les magasins professionnels dédiés à la gastronomie,
en arrêt devant la courbe d'un moule à cannelé dont les reflets
cuivrés l'émerveillent, retenant son souffle devant l'impression de
puissance qui peut émaner d'un presse ail ergonomique entièrement
chromé...
Ou encore, par
l'entrebâillure de la porte de l'office, vous pourriez la surprendre
extatique devant la brillance et la texture des si poétiques « becs
d'oiseau » qui se sont formés au bout de son fouet, ou
monologuant sans s'en rendre compte sur la façon parfaite dont la
cuillère en bois est délicatement nappée de crème anglaise
fraiche.
Le fétichisme culinaire
peut sévir à la fois sur un objet et sur son contenant.
Et comme toute déviance
qui se respecte, il arrive parfois que toutes les conditions soient
réunies pour qu'une situation donnée forme un cas d'école de la
pathologie en question.
C'est malheureusement le
cas du Kouglof (ou Kugelhopf pour les puristes).
Le Kouglof est un piège
sans fond pour tous ceux qui souffrent en silence de ce mal, tant par
la beauté des moules qui sont nécessaires à sa réalisation que
par le design parfait de la brioche une fois démoulée : l'arrondi à
la Michel Ange des cannelures sur la pâte cuite, les amandes qui
s'offrent voluptueusement sur le dessus, et enfin le nuage de sucre
glace qui vient donner à l'ensemble une perfection digne... du plus
délicieux des enfers.
Dans Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde nous dit « le plus sûr moyen de
résister à la tentation est d'y succomber ».
Je pense qu'il aimait
passionnément le Kouglof. Et tout ce qui va avec.
Ingrédients (pour
un moule de 22cm, ou plusieurs petits Kouglofs si la miniaturisation
vous procure un rush encore plus intense...)
La recette, qui venait à
point nommé ce mis ci dans le dernier Elle à Table, vient de
Christophe Felder, Alsacien d'origine dont les parents tenaient une
boulangerie-pâtisserie à Schirmeck... On peut en déduire que le
monsieur sait parfaitement de quoi il parle.
Je vous la retranscris
donc mot pour mot. Les mentions en italiques sont mon retour
d'expérience sur la chose...
Pour le levain :
- 100 g de farine
- 20 g de levure fraiche de boulangerie
- 7 cl d'eau tempérée
Pour la pâte :
- 450 g de farine + 1 CS
- 100 g de raisins secs
- 2 CS de rhum
- 25 cl de lait entier
- 2 oeufs
- 80 g de sucre en poudre
- 10 g de sel fin
- 125 g de beurre très ramolli
- 50 g d'amandes entières non pelées
- QS de sucre glace
Mélangez les ingrédients
du levain dans un saladier avec une spatule. Recouvrez avec 450 g de
farine. Ne mélangez pas, et laissez
simplement lever pendant 1 h à température ambiante.
Faites macérer les
raisins dans le rhum pendant cette même heure.
Dans le bol d'un robot
(autre piège classique mais pour le moins efficace du fétichiste
culinaire), versez le levain et la farine, ajoutez le lait, les œufs,
le sucre et le sel. Mélangez avec le crochet du robot pendant 10
min, en commençant à vitesse lente et en finissant 3-4 min à
vitesse rapide. Vous devez obtenir une pâte lisse et élastique qui
se décolle bien des parois (si vous avez réglé correctement
votre robot afin que le fouet descende assez bas pour bien incorporer
tous les ingrédients... passons)
Incorporez
ensuite le beurre mou et continuez de mélanger à vitesse rapide.
Égouttez les raisins, ajoutez les à la pâte et mélangez bien le
tout au robot.
La
pâte ne doit pas coller aux doigts (je dirais que ça a bien pris
10 min de pétrissage pour que la pâte colle de moins en moins, et
encore si ça se trouve j'aurais pu continuer encore un peu... Mais
bon c'était mon premier Kouglof et j'ai eu les jetons... Je ne
voulais pas me faire jeter dès le 1er rencard.)
Saupoudrez
cette pâte avec la cuillère à soupe de farine, enveloppez la d'un
torchon propre et laissez la reposer 1 h à température ambiante.
(Et résistez à la tentation de soulever le torchon pour admirer
votre ouvrage et humer la bonne odeur de levure fraiche)
Ce
temps écoulé, retravaillez rapidement la pâte sur un plan de
travail fariné pour la faire dégonfler.
Beurrez
soigneusement le moule à kouglof, si possible avec un pinceau (en
étant particulièrement généreux sur le cône central du moule),
et disposez une amande (préalablement trempées 10 min dans un
verre d'eau pour éviter qu'elles ne brûlent à la cuisson) dans
chaque sillon sur le fond du moule. Façonnez la pâte en boule et
disposez la dans le moule.
Laissez
la lever jusqu'à ce qu'elle dépasse des bords de 2 bons centimètres
(ce qui prend en général une autre bonne heure... j'avais
couvert mon moule avec le torchon, ce qui a hâté un peu plus la
pousse du coup mon kouglof a un peu trop monté. Mais je lui ai
pardonné dès le 1er regard)
Préchauffez
votre four à 150°-160° pendant 30 min (ici 160° pendant juste
10 min, rapport au fait que j'avais oublié de le prévoir et qu'il
dépassait déjà du bord de 4 bons centimètres!!)
Laissez cuire le kouglof
entre 35 et 45 min (ici 42 min allez...), en le surveillant de temps
en temps. S'il colore rapidement couvrez le d'un papier d'aluminium
(exact, je n'allais pas laisser mon four antique brûler mon
œuvre, on n'est pas complètement dans le Portrait de Dorian Gray
non plus...)
Sortez
le du four et démoulez le alors qu'il est encore chaud (et bien
du plaisir mes bonnes gens, entre la possibilité de casser le moule,
la brioche ou de se brûler au 3ème degré).
Laissez
refroidir complètement et saupoudrez d'un voile de sucre glace.
Verdict : goûté dans
les deux heures, ce fut un moment absolu où le fantasme a rejoint la
réalité. C'était vraiment aussi bon que ce que je l'avais si longtemps
rêvé, bien que moins sucré que dans mon imagination. Après un jour
de vie, l'animal rassit quand même très vite mais demeure un hôte
de choix pour le petit déj. Au delà il paraît qu'il fait une
fantastique brioche perdue. Il paraît.
Voilà.
Après la première
transgression, le fétichiste culinaire ne peut plus
retourner dans sa boîte. Il va falloir qu'il assume ce qu'il est,
qu'il le vive au grand jour.
Prochain passage à
l'acte envisagé : le panettone. Mais pour cela il faut se mettre en
quête d'un moule ad hoc (bien moins joli que celui du kouglof
certes, mais le produit fini... quelle merveille).
Ainsi commence la quête
du F.C.A.
Le Fétichiste Culinaire
Assumé.
Souhaitons lui bon vent,
et espérons que ses brioches, cannelés, entremets, mijotés et
autres transgressions lui apportent enfin la plénitude que chacun se
doit de chercher.
Ou alors de façon plus
décontractée : « Va, vis et bouffe bien! »
Edit de l'étourdie que je suis : Une superbe recette "Foodanimée" du non moins superbe blog de Bwak, J'veux être bonne, publiée aujourd'hui même!! Vous n'avez vraiment plus aucune excuse pour ne pas succomber à la tentation...
J'ai un tel souvenir des Kouglofs dégustés en Alsace que je n'ose me lancer dans sa confection. Il va pourtant bien falloir passer par là, tant ceux achetés de-ci de-là sont décevants.
RépondreSupprimerQuant à la quête du Panettone, elle me fait adhérer d'emblée à ton club des fétichistes culinaires. :)
Miam l'Aslace et ses variétés culinaires... une merveille!
RépondreSupprimertes photos en sont aussi une merveille :)
Comme il est beau ton kouglof !
RépondreSupprimerVoilà, ça y est !
RépondreSupprimerJ'vais devoir m'acheter un moule à Kouglof maint'nant !
;)
Trop trop trop beau ma chère Zazazsu :)
oh qu'est ce qu'il a l'air appétissant ton kouglof! superbes photos!!!
RépondreSupprimermerci pour le clin d'oeil! ^-^
Oh formidable merci Zazazsu !!!
RépondreSupprimerDepuis le temps que je rêve d'une bonne recette de kouglof. Ici, je sais que je peux y aller les yeux fermés ! ;)
Reste plus qu'à mettre le moule sur ma liste au père noël !... (pff, va falloir attendre)
Je me reconnais en tant que FCA, mais mon fétichisme serait plutôt porté sur des ingrédients (depuis des mois je fantasme sur le lard de Colonnata) ou sur LA vraie recette (et celle du pannetone en fait partie).
RépondreSupprimerMerci pour le lien vers la vidéo de Bwak, qui est vraiment géniale.
Mag à l'eau
trop trop trop Bô !
RépondreSupprimerJ'ai pensé au foodanimé de BWak en voyant ton post : mais les grands esprits se rencontrent... autour du Kouglof. Merci pour le debriefing terrain de la recette de l'Alsacien qui était tombé dans le kouglof à la naissance.
RépondreSupprimerJe confirme pour l'accodomodation des restes : mission impossible dans une famille de gourmands.
Sous-sol du BHV Hôtel-de-Ville, étage Arts de la Table du Printemps Haussman, c'étaient mes lieux de prédilection pour m'adonner à mon FCA et puis il y a eu Mathon.fr, au moins je bavais en toute discrétion... A quand un groupe ouvert sur FBA et revendiqué? lol
Besooooooooooos
@Tombouctou : moi c'est justement parce que je n'avais pas pu en goûter un seul lors de mon séjour en Alsace que j'ai commencé à focaliser sur le Kouglof... Et puis les moules, je ne me relance pas là dedans j'en ai assez dit... Mais si tu veux bien assumer ton FC lance toi, il est jouissif à réaliser... quand on est une FCA ;-)Quant au Panettone eh bien la quête est lancée... si tu dégotes des trucs fais tourner par pitié! :-D
RépondreSupprimer@Novice en cuisine : comme tu dis... le Kouglof est plus photogénique que la choucroute, mais bon sang que j'aime les deux... Merci de la visite ;-) A bientôt
@Lady Milonguera : merci, il était surtout vraiment à la hauteur du fantasme ;-)
@CocoNut : oui je sais, my bad, mais j'te promets que tu regretteras pas!! ;-)
@Bwak : de rien, c'était tellement énorme de génialitude qu'il était impossible de ne pas faire passer le message! Et puis je suis à fond pour le fait que le Kouglof règne sur le Monde... :p
@Maman est en haut : oh tu sais c'est plutôt ce cher Christophe qu'il faut remercier... c'est clair qu'avec lui tu sais où tu mets les pieds (pas dans le moule à kouglof si possible cela dit, ça va l'abimer...) Par ailleurs, quant à Noël y a pas l'anniversaire d'un de tes gnomes qui passe par là avant... Tu peux lui offrir à lui, comme une dotation de patrimoine quoi... ;-)
@Magalo : ah le lard de Colonnata... Il paraît que c'est à tomber effectivement. Si tu en trouves tu pourras faire pression sur ton dealer pour qu'il m'approvisionne à vie en burrata? Et en panettone tant qu'on y est. De rien pour le lien, t'as vu comment c'était chouette!
@Lilibox : Merci, merci, merci!!
@La Francesa : j'y ai trainé mes guêtres aussi par là bas, surtout en période de soldes, ainsi que tout le quartier autour d'Etienne Marcel... rhhaaa c'était le bon temps! Et comme toi, Internet puis la Province m'ont fait un peu retourner au placard... Mais je vais y penser au groupe FB, y a pas de raison : FCA RULE!! Bises
A chaque fois que je passe devant chez Dehillerin, je regarde avec convoitise les moules a kouglof - je resiste, j'ai tant de trucs deja. Il y a aussi les moules a charnieres, les moules a pate en croute..enfin tu vois quoi :)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup beaucoup tes photos et tes textes (ce n'est pas facile de photographier une brioche aussi belle).
Très joli!! Belles photos
RépondreSupprimer@zazazsu
RépondreSupprimerPremièrement merci pour ton texte très humoristique. J'ai bien dû finir par reconnaitre que je devais être un FC.... merde !
Alsacien d'origine, j'en ai fait des Kougelhopfs (oui j'insiste sur l'orthographe d'origine... tête de bille/balle). J'ai oublié de ramener bien des choses en m'installant au Canada, mais pas mes moules à Kougelhopf !!!!
J'ai évidemment souris à la lecture de toutes tes parenthèses :-)
J'ai vécu probablement les mêmes choses que toi, à mes premiers Kougelhopf, mais l'expérience finit par trouver des "trucs" pour ne plus que ça arrive.
Si je peux me permettre quelques conseils.
10 g de sel pour 500g de farine c'est un peu de trop. Moi je ne mets que 5g. Ça permet d'avoir un Kougelhopf plus sucré au goût.
Pour la première "pousse" de la pâte, il n'est pas clair si tu saupoudres ta pâte de farine à l'extérieur du bol et que tu l'enveloppes dans un linge (bonjour le décollage de la pâte après la pousse !) ou si tu recouvres le bol d'un linge durant la pousse. Je conseille la deuxième option. Déjà que lorsque la pâte pousse trop vite, elle colle déjà au linge.
De plus, il faut préciser que la température de la pièce doit être autour de 25-30ºC pour que la pousse se fasse de façon optimale. Il est rare que les gens chauffent leur maison autant. Donc on allume le four pendant 5 minutes, on l'éteint et on place le bol à l'intérieur pour laisser pousser. Pour maintenir une température "tiède" on peut mettre un grand bol rempli d'eau bouillante à côté ou en bas. Ça permet en plus de maintenir une belle humidité à la pâte.
Il n'est pas nécessaire d'égoutter les raisons, l'alcool s'évaporera à la cuisson et donnera un meilleur goût à la brioche. La pâte sera certes un peu plus collante, mais c'est le bol mélangeur ou le moule qui auront à s'en plaindre :-)
(suite, maudite limite de 4096 caractères :-) )
RépondreSupprimerConcernant le chemisage du moule.
L'idéal (et ça marche à chaque coup) c'est de le beurrer avec du beurre clarifié (ce qui flotte après avoir fait fondre du beurre, le petit-lait, blanc, reste au fond).
Il faut effectivement très très bien beurrer le cône central sans quoi... c'est la cata assurée lors du démoulage.
Je verse 1-2 cuillères à soupe de farine et je tapote le moule pour faire adhérer cette farine sur toute la surface (le faire au-dessus de l'évier pour éviter une autre cata !). Je jette le reste de farine. Démoulage parfait assuré !
Pour rendre le fétichisme encore plus irrésistible, je ne mets pas une seule amande au fond de chaque cannelure, j'en mets souvent 6, le long de chaque cannelure ! Oui, oui, ça permet de gouter à ces amandes rôties à chaque bouchée... plus fétiche que ça tu meurs....
Je ne fais jamais tremper mes amandes avant, je les trouve meilleure quand elles sont rôties, elles développent un meilleur goût. Pour éviter qu'elles ne "brûlent" il suffit de mettre le moule au milieu du four plutôt que sur la grille du bas et de ne pas cuire à une température trop élevée, quitte à prolonger la cuisson de quelques minutes.
Pour le démoulage, c'est vrai que la pâte ayant recouvert les rebords du moule ça semble "mission impossible" sans se brûler.
Pour ma part, j'utilise des gants inifugés (oui, les très très laids). Je laisse le Kougelhopf refroidir un 5-10 minutes (pas plus) et je secoue violemment le moule (pâte vers le haut) pour le détacher. Dès que la pâte cuite est détachée (on l'entend, on la voit bouger), je place une grande assiette d'à peu près le diamètre du Kougelhopf je la place sur la pâte, je place le moule à moitié sur la cuisinière, à moitié dans le vide. Je place ma main (toujours gantée !!!) sous la moitié dans le vide, l'autre sur l'assiette et hop, rapidement, sans hésiter (et j'insiste sur le sans hésiter !) je retourne le tout d'un demi-tour. Je saisis le moule, au niveau des cannelures avec mes deux mains gantées ET VOILÀ.
Je saupoudre rapidement le Kougelhopf de sucre glace (faut être généreux !) afin qu'il fonde et adhére à la pâte encore chaude.
Je laisse le Kougelhopf refroidir entièrement et je saupoudre (encore !) de sucre glace pour déposer ce nuage blanc qui le rend encore plus appétissant. Cette nouvelle couche de poudre accrochera plus facilement sur l'ancienne couche de sucre (presque entièrement fondue).
Continu d'utiliser ton style d'écriture de recette, c'est très rafraichissant de lire des recettes vu au travers des yeux de fétichistes :-)
Merci beaucoup pour votre long message, ainsi que vos précieux conseils quant à la réalisation de ce magnifique objet du désir pour tout fétichiste culinaire qui se respecte ;)
SupprimerCela m'a fait du bien de vous lire, bonne route à vous, et belles réalisations à venir!